Dans le cadre du retour du réemploi des bouteilles en verre dans les coopératives Biocoop de Normandie, nous avons souhaité en savoir plus sur les attentes des consommateurs de ces magasins à propos du réemploi.
C’est pour cela que nous avons mené une étude qualitative puis quantitative auprès des clients de trois magasins à Caen :
L'objectif de cette étude est d'analyser les connaissances et les a priori des consommateurs à propos du réemploi afin de leur proposer une expérience simple et transparente.
Dans un premier temps, nous avons pris le temps de discuter avec plus de 30 consommateurs durant une interview de 5 à 10 minutes chacune pour comprendre en profondeur leurs connaissances, leurs contraintes et leurs besoins.
Afin d’affirmer ou d’infirmer certains points étant ressortis de cette première étude, nous avons diffusé un questionnaire à près de 100 consommateurs de ces magasins.
Nous avons interviewé une trentaine de consommateurs directement en magasin lorsqu’ils faisaient leurs courses. L’objectif était de rester le plus neutre possible, pour ne pas influencer leurs réponses. C’est pour cela que nous n’annoncions pas (ni à l’oral, ni grâce à un affichage) qui nous étions, mais simplement que nous menions une étude sur la gestion de leurs déchets.
Le plan général de l'interview était :
Où chaque axe comportait des sous-questions posées lorsque la personne interviewée avait du mal à développer ses propos.
En général, nous distinguons deux types de consommation :
Les personnes interrogées préfèrent consommer des produits certifié Bio, car selon eux, ils sont écologiques et meilleurs pour la santé.
Cependant, ils ne peuvent pas tout trouver dans ces magasins comme par exemple, ce qui revient souvent, l’eau en bouteille. En effet, il n’est pas possible de s’en procurer dans les magasins ne disposant pas d’une fontaine à eau accompagnée de bouteilles plastiques réemployables. Certaines personnes ne consomment pas uniquement dans les magasins Bio, car elles affirment également que les produits sont plus chers.
Lorsque l’on demande aux personnes interrogées de choisir entre deux bières ou deux limonades ayant à peu près les mêmes caractéristiques intrinsèques et un packaging plutôt similaire, deux silhouettes se dessinent :
Par exemple, Jade, une étudiante, a fait son choix entre deux bières blondes 33cl embouteillées dans deux références de bouteilles différentes juste à la couleur de la capsule. Dans un autre magasin, Sylvie, une mère de deux enfants, a choisi la limonade ayant le taux de sucre le plus bas, car elle fait attention à la santé de sa famille
Oui, les consommateurs effectuent en grande majorité le tri de leurs déchets et décrivent souvent le fait qu’ils ont chez eux entre trois et quatre poubelles différentes :
Ces consommateurs, qui trient les déchets, affirment tous avoir une borne à verre à quelques minutes à pied de chez eux.
Lorsque l’on évoque le sujet du réemploi, on distingue encore deux typologies de personnes :
Dans les personnes qui affirment connaître le réemploi, certaines ne connaissent finalement que le principe de la consigne : rapporter un contenant en échange d’une contrepartie financière.
Elles évoquent soit le fait qu’elles aient connus ce principe durant leur enfance, soit qu’elles l’aient découvert à l’étranger comme en Allemagne ou au Canada, là où la consigne ne s’est jamais perdue.
Cependant, consigne et réemploi sont souvent, mais pas toujours liés. En effet, les Allemands consignent par exemple les canettes en aluminium et les bouteilles en plastique. Celles-ci ne sont pas réemployées, mais recyclées.
Et ce n’est pas clair chez les consommateurs rencontrés qui ne citent pas majoritairement le nettoyage, mais qui parlent de recyclage des contenants. Lorsqu’on leur pose la question : “Que se passe-t-il après que vous ayez rapporté une bouteille consignée ?” , ils répondent soit directement qu’elle est lavée pour être réutilisée, soit qu’elle est recyclée ou qu’ils ne savent pas vraiment ce qu’elle devient.
Il est très clair pour le consommateur que le réemploi économise de l’énergie par rapport au recyclage. Pour justifier cette affirmation, il explique souvent comment fonctionne le recyclage des bouteilles en verre : elles sont broyées puis fondues à haute température avant d’être reformées.
Cependant, il arrive que le consommateur évoque naturellement son inquiétude sur le fait que le lavage des contenants puisse consommer plus d’eau. Et lorsque qu’il n’aborde pas ce sujet par lui-même et qu’on lui pose la question, il est alors mitigé et ne sait pas tellement quoi en penser.
Les consommateurs engagés ne voient pas de frein à rapporter leurs bouteilles en magasin pour qu’elles soient réemployées, au contraire, ils aimeraient le faire, mais ne peuvent pas.
Cependant, une remarque revenait régulièrement :
“Ça va être tentant de tout jeter à la benne à verre plutôt que de trier les bouteilles qui sont réemployables ou non”.
Afin de vérifier certaines hypothèses ressortant de ces discussions avec les consommateurs, nous avons diffusé un questionnaire de 20 questions à la base de données des consommateurs des magasins. 96 d’entre eux nous ont répondus.
Vous pouvez retrouver [ici] le résultat complet du questionnaire en question. Analysons certains points remarquables.
Les consommateurs font leurs courses au moins une fois par semaine, dans divers magasins. La boisson la plus consommée est la bière (70% des réponses), viennent ensuite, les jus de fruits et le vin. La consommation de cidre peut être plus importante que dans les autres régions étant donné que le sondage a été réalisé en Normandie.
Aussi, pour se rendre au bac à verre, les deux moyens de transports utilisés sont la marche ou la voiture. Cette action a lieu le plus souvent une fois par mois.
De plus, dans 90% des réponses, il y a moins de 1000m à parcourir pour aller jeter son verre.
Afin de compléter notre étude, nous avons demandé aux consommateurs de faire un choix entre deux limonades ayant à peu près les mêmes caractéristiques :
Le produit A étant un produit local alors que le B est distribué nationalement par les coopératives Biocoop.
Les choix entre ces deux marques sont basés sur des critères assez différents :
La limonade A se démarque par son aspect épuré, pratique et bon pour la santé. (d’après les déclarations reçues)
La limonade B se démarque grâce à la localisation de sa production.
L’aspect du produit est donc un critère important pour certains alors que pour d’autres, c’est la proximité qui prévaut.
On utilisera volontairement le terme “consigne” pour parler du réemploi, car le principe de la consigne est mieux perçu par les consommateurs. Le terme exact à utiliser aurait été “consigne pour réemploi” mais nous souhaitions comprendre la perception des différences entre “réemploi” et “recyclage” sans utiliser ce premier terme qui l’indiquerait par lui-même.
Il ressort du sondage que 17% des interrogés ne connaissent pas, à priori, d’alternative au recyclage alors que seulement 9% d’entre eux déclarent ne jamais en avoir entendus parlé. Certains consommateurs connaissent donc le réemploi, mais n’y pense pas par eux-mêmes comme solution s’il ne leur est pas rappelé son existence.
Il y aura donc un vrai travail de communication à mener pour recréer l’habitude de rapporter son contenant.
Alors que la consigne n’existe plus en France depuis la fin du siècle dernier, 58% des consommateurs déclarent l’avoir déjà pratiqué, en France ou ailleurs. La nostalgie ou le voyage pourra être un axe à suivre dans la communication, car il est souvent évoqué un souvenir d’enfance, un témoignage d’un grand-parent ou un voyage à l’étranger lorsque que le réemploi est décrit.
Lors de l’étude qualitative, il était ressorti que les consommateurs ne différenciaient pas toujours recyclage de réemploi. Cette remarque se confirme ici, car seulement 42% des répondants parlent de réemploi lorsqu’on leur demande de “raconter ce qu’est la consigne”. Les autres parlent en général d’un échange du contenant contre quelques centimes.
Cependant, lorsque l’on demande la différence entre “recyclage” et “consigne”, les consommateurs indiquent en très grande majorité que la consigne permet le réemploi alors que le recyclage est la destruction du contenant avant sa reformation.
Il est plutôt clair pour les consommateurs que le réemploi est plus écologique que le recyclage.
Il faudra tout de même insister lors des actions de communications sur le fait que le réemploi des bouteilles économise de l’eau par rapport au recyclage (jusqu’à 33% d’économie d’eau pour une bouteille lavée).
Enfin, selon les réponses données, 58% des consommateurs attendent une contrepartie financière pour le retour de leur bouteille en magasin. À noter que cette proportion pourrait être plus importante pour des consommateurs d’enseigne plus grand public.
Une moitié des répondants trouve qu’il est plus simple pour eux d’apporter les bouteilles en magasin quand l’autre affirme préférer les rapporter au bac à verre pour recyclage.
Voici les moyens les plus simples de transporter des bouteilles selon les consommateurs :
En réalisant cette étude et en discutant avec les consommateurs, nous constatons que le terme “réemploi” n’est que partiellement connu voire méconnu. En effet, beaucoup de consommateurs pensent au recyclage lorsque l’on évoque le réemploi or, c’est une pratique complètement différente. C’est pour cela que pour qu’un projet de réemploi réussisse, la communication doit être un axe majeur à travailler.
Les leviers à actionner pour sensibiliser le consommateur semblent être la nostalgie, le voyage et l’écologie. L’objectif est de lui rappeler un moment de vie passé ou de l’engager dans l’accomplissement d’un acte citoyen étant beaucoup perçu comme un acte de “bon sens”.
Ces actions peuvent convaincre les consommateurs sensibles au réemploi mais il reste une grande part des consommateurs dont le réemploi n’est ni un acte de bon sens ni un acte citoyen qu’ils souhaitent réaliser. Il faudra alors les inciter à rapporter leurs bouteilles et la piste de la consigne monétaire semble être interessante à explorer lors d’un article futur.